OH ! TOUT LE MONDE LE DIT !

Dira-t-on du bien d’une fille en racontant ses bonnes qualités ? Ah ! Vous dira l’un, si elle a de bonnes qualités, elle en a bien aussi de mauvaises. Elle fréquente la compagnie d’un tel qui n’a pas trop bonne réputation. Je suis bien sûr qu’ils ne se voient pas pour faire le bien. Et voilà une telle, qui va bien parée et qui pare bien ses enfants : elle ferait bien mieux de payer ce qu’elle doit. A voir une telle : elle paraît bonne et affable à tout le monde, si vous la connaissiez come moi, vous en jureriez bien autrement : elle ne fait toutes ces grimaces que pour mieux cacher ses désordres. Un tel va la demander en mariage, mais s’il me demandait conseil, je lui dirais ce qu’il ne sait pas… Qui est cette personne qui passe ? Dira un autre. Hélas ! Mon ami, quand vous ne la connaîtriez pas, il n’y aurait pas grand mal. Je ne vous en dis rien de plus. Fuyez seulement sa compagnie, c’est un véritable scandaleux. Tout le monde le regarde comme tel. Tenez, c’est encore comme cette femme qui fait la sage et la dévote, il n’y a pas de plus mauvaise personne que la terre puisse porter. D’ailleurs, c’est l’ordinaire que ces personnes qui veulent se faire passer pour être vertueuses ou, si vous voulez, pour être sages, sont des méchantes, et les plus rancuneuses.
« Peut-être que cette personne vous a fait quelque outrage ? »
« Oh ! Non mais vous savez bien qu’elles sont toute de même. Je me suis trouvé un jour avec une de mes anciennes connaissances, c’est un bon ivrogne et un fameux insolent ».
« Peut-être, lui dira l’autre, qu’il vous a fait quelque chose qui vous a fâché ? »
« Ah ! Non, il ne m’a jamais rien dit qui ne fût de dire mais tout le monde regarde comme cela. »
« Si ce n’était pas vous qui me le disiez, je ne voudrais pas le croire. »
« Quand il est avec ceux qui ne le connaissent pas, il sait assez faire l’hypocrite, pour faire croire qu’il est un homme honnête. C’est comme, un jour, je me suis trouvé avec un tel que vous connaissez bien, c’est aussi un homme vertueux. S’il ne fait de tort à personne, il ne faut pas lui en savoir gré, c’est bien quand il ne peut pas mieux faire. Je vous assure que je ne voudrais pas me trouver seul avec lui. »
« Peut-être, lui dira l’autre, qu’il vous a fait tort quelquefois ? »
« Non, jamais, parce que je n’ai rien eu à faire avec lui. »
« Et comment savez-vous donc qu’il est si mauvais sujet ? »
« Oh ! Ce n’est pas malaisé de le savoir, tout le monde le dit. C’est comme celui qui était un jour avec vous : à l’entendre parler, l’on dirait qu’il est l’homme le plus charitable du monde, et qu’il ne peut rien refuser à celui qui lui demande quelque chose ; tandis que c’est un avare fini, qui ferait dix lieues pour gagner deux sols. Je vous assure que maintenant, l’on ne peut avoir confiance en personne. C’est comme celui qui vous parlait tout à l’heure : il fait bien ses affaires, il se tient bien, tous ceux de chez lui vont bien rangés. Ce n’est pas bien malaisé, il ne dort pas toute la nuit. »
« Peut-être que vous l’avez vu prendre quelque chose ? »
« Oh ! Non, je ne lui ai jamais vu rien prendre. Mais l’on a dit qu’une belle nuit, il est rentré chez lui bien chargé. D’ailleurs, il n’a pas trop bonne réputation. »

Pharisien qui jeûne
Il conclut, en disant : « Je vous assure que je ne suis pas sans défaut, mais je serais bien fâché de si peu valoir que ces gens-là. »
Voyez-vous ce fameux pharisien qui jeûne deux fois la semaine, qui paie la dîme de tout ce qu’il possède, et qui remercie le bon Dieu de n’être pas comme le reste des hommes, qui sont injustes, voleurs et adultères ! Voyez-vous cet orgueil, cette haine et cette jalousie ? »